Insight | Transformer la publicité en réponse aux enjeux environnementaux des organisations et de la société

Insight | Transformer la publicité en réponse aux enjeux environnementaux des organisations et de la société
Posté par :
Léo Génin Léo Génin
Yoann Lechat Yoann Lechat
Thomas Auzias Thomas Auzias

Depuis quelques années en France, l’écosystème publicitaire accorde une attention croissante aux impacts environnementaux générés par les campagnes publicitaires. Cette attention a été formalisée à travers la loi Climat et Résilience de 2021 via la mise en place des contrats climats, afin de valoriser les engagements et actions en faveur de pratiques plus durables dans l’exercice des communications commerciales.

Cet intérêt a donné lieu à l’apparition de calculettes et outils de mesure carbone¹ et à la publication de référentiels – notamment les référentiels du Syndicat des Régies Internet²  (SRI), du Syndicat National de la Publicité Télévisée³ (SNPTV) et du Syndicat des Régies Publishers (SRP)⁴. Aujourd’hui, la tendance est à l’harmonisation des méthodes de mesures à travers des méta-référentiels à l’image des initiatives de la Global Alliance For Responsible Media (GARM)⁵, puis de Ad Net Zero avec le Global Media Sustainability Framework (GMSF).

Au-delà de son impact environnemental direct, la publicité suscite un questionnement plus profond sur son rôle dans nos habitudes de consommation, les pressions environnementales qui en découlent ainsi que son influence économique et sociétale.

Ces questionnements à différentes échelles sont complémentaires et nécessaires pour l’évolution du secteur vers un monde durable.

1. Mesurer et réduire l’empreinte environnementale de la publicité, le premier pas vers une publicité responsable

Mesurer l’impact environnemental des campagnes publicitaires constitue la première étape pour envisager un cadre visant à le réduire.

Cette mesure doit adopter une approche multicritère afin de prévenir les reports d’impact et de permettre une réduction de l’ensemble des pressions environnementales. En France par exemple, utiliser du papier recyclé plutôt que vierge a une influence limitée voire négative sur l’impact climatique de la presse, mais permet une réduction importante de la consommation d’eau et de l’usage des sols⁷. De même, il est impératif de prendre en compte l’intégralité du cycle de vie de la campagne publicitaire, de sa création à sa diffusion, y compris sa réception sur le support d’affichage.

L’application de la méthode d’Analyse du Cycle de Vie (ACV), en conformité avec la norme ISO 14040-44 est nécessaire pour assurer une mesure fiable. La disponibilité des données et des facteurs d’impacts environnementaux est dans ce cadre un enjeu majeur. Une mesure suffisamment granulaire et contextualisée est nécessaire pour identifier les leviers de réduction pertinents pour l’annonceur ou la régie publicitaire.

La montée en maturité de la chaîne de valeur sur les enjeux environnementaux et la réalisation d’études, à l’image de l’Etude sur l’empreinte environnementale des usages audiovisuels en France⁹ réalisée par I Care by BearingPoint pour l’ARCOM-ADEME-ARCEP¹0, renforcent la connaissance collégiale du secteur.

La phase de création publicitaire, généralement minoritaire dans l’empreinte globale, est principalement liée aux déplacements à l’étranger, s’il y en a. La relocalisation des tournages à proximité des équipes, éventuellement à l’aide de CGI (Computer Generated Imagery) ou de tournages en studio, permet d’éviter ces déplacements. Les autres sources d’impacts qui interviennent dans la création sont liés aux achats et à l’énergie consommée.

La diffusion publicitaire représente la majeure partie de l’impact global. La variété des supports médias utilisés entraîne une grande disparité dans les impacts environnementaux et dans ses leviers de réduction. Sur l’ensemble de ces canaux et leviers, le rôle des régies publicitaires est clé, car de nombreux leviers en dépendent, comme l’origine du papier pour la presse et l’affichage extérieur Out Of Home (OOH), la conception des panneaux digitaux extérieurs Digital Out Of Home (DOOH) ou encore les modalités de compression et distribution du contenu online.

Les annonceurs ont également un rôle essentiel à jouer : la publicité étant  une importante source de revenu pour ces médias, un alignement des efforts des régies avec les attentes des annonceurs facilite la transition.

Un autre axe de réduction porte sur l’évolution du mix média utilisé, avec l’objectif de privilégier davantage des canaux à faible intensité d’impact (ex. gCO2éq émis pour 1000 contacts). Cet axe doit toutefois faire l’objet d’une prise de recul plus large et prendre en compte également la qualité des contacts publicitaires générés, et donc mettre en œuvre des indicateurs permettant de comparer une efficacité environnementale par impression ou contact, et la performance du contact selon le média utilisé et l’objectif de la campagne (visibilité de la marque, génération de lead…).

Cette réflexion pose finalement la question du lien entre l’efficacité marketing et l’impact environnemental. Une prise de recul sur le rôle de la publicité est pour cela nécessaire, notamment en intégrant sa finalité première : servir les objectifs de vente de produits et services.

2. Intégrer la publicité comme un élément clé de la stratégie environnementale de l’entreprise

Il est essentiel de garder à l’esprit que l’objectif premier de la publicité est de promouvoir la  vente de produits et services. Par conséquent, la prise en compte des enjeux environnementaux dans une stratégie publicitaire ne peut pas se faire sans considérer l’impact environnemental des produits et services promus.

Introduire le suivi de l’impact environnemental de la publicité représente un changement de paradigme pour les acteurs du secteur, en particulier des régies. Aujourd’hui, la stratégie média relève d’un travail d’optimisation portant avant tout sur la recherche d’un optimum entre l’efficacité marketing (nombre de contact, taux de transformation en lead, image de la marque…) en lien avec les indicateurs financier des ventes (chiffre d’affaires, marge sur les produits promus…) et le coût de la publicité.

Dans un objectif de publicité responsable, il est nécessaire d’intégrer deux dimensions supplémentaires : l’impact environnemental intrinsèque de la publicité, mais aussi l’impact environnemental des produits et services publicisés. De fait, une campagne publicitaire dont l’impact environnemental direct est maitrisé (campagne écoconçue) ne pourra pas se dire « éco-responsable » si elle a pour résultat d’augmenter les pressions sur l’environnement à travers le service ou le produit qu’elle publicise.

L’enjeu pour les acteurs du secteur consiste donc à rapprocher les stratégies média, marketing et RSE afin d’assurer un alignement des différents objectifs. Cela nécessite la mise en œuvre de nouveaux indicateurs pour servir cet équilibre.
Pour les annonceurs, une bonne maîtrise de leurs produits leur permet de définir des indicateurs adaptés, tels que leur impact environnemental. Pour les régies, cela implique de définir des indicateurs permettant de comparer des campagnes portant sur des produits variés.

L’initiative NEC (Net Environmental Contribution)¹² développée en partenariat avec I Care by BearingPoint est un exemple de méthode pour qualifier l’impact environnemental d’une grande variété de produits et services.

Elle a d’ailleurs été appliquée par I Care by BearingPoint lors d’une étude sur la Mesure et le pilotage de l’impact de la publicité sur l’empreinte environnementale des consommateurs menée pour Entreprises Pour l’Environnement (EPE).

Au regard de ces éléments, il apparait que l’engagement environnemental de la publicité doit aller plus loin que réduire son impact environnemental direct. En mettant en avant des produits et services durables, et à plus faible impact, la publicité peut encourager une consommation plus responsable et servir de levier au service de la transformation environnementale de l’organisation, en particulier sur son scope 3 lié à l’utilisation des produits et services publicisés.

La publicité permet par ailleurs une valorisation plus large de l’organisation. En montrant son implication dans des objectifs de durabilité, l’organisation inspire confiance et fidélité chez les consommateurs, et auprès de ses collaborateurs. Il est bien entendu crucial que les messages véhiculés par la publicité soient alignés avec la réalité et l’ambition de l’organisation, afin de ne pas relever du greenwashing, néfaste pour l’image à l’extérieur, mais également frein de transition en interne, car il fait croire à une transition non réelle.

Il est donc essentiel de dépasser le seul objectif commercial de la publicité et de considérer son impact plus large sur la société. Dans cette perspective, l’émergence de nouveaux récits écologiques inspirants devient fondamentale pour amorcer et accompagner la transition écologique.

3. Faire de la publicité un outil de projection et d’anticipation des enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux

En tant qu’outil puissant de communication, la publicité a un rôle clé à jouer dans la construction de récits collectifs. En façonnant des narratifs qui rendent désirables des comportements plus sobres et responsables, elle influence les choix et comportements des consommateurs. L’évolution des attentes et pratiques des consommateurs permet aux organisations de proposer à leur tour des produits et services plus responsables tout en assurant leur pérennité.

Ces nouveaux récits ne sont d’ailleurs pas restreints au secteur dans lequel l’organisation se situe, mais peuvent porter sur un ensemble de préoccupations environnementales et sociales. La scénographie des publicités intègre des éléments de décors autour du produit ou service publicisé. Intégrer des comportements plus responsables dans ces décors permet de rédéfinir les habitudes et de faire évoluer les pratiques au quotidien.

L’Union Des Marques (UDM) a par exemple défini une checklist dédiée aux éléments de décors (consommation raisonnable des ressources, modes de transports adaptés, suggestions de pratiques responsables, alimentation locale, de saison et peu carnée…). Bien que ces éléments de décors ne remplacent pas les considérations à avoir sur le produit ou service mis en avant, ils ont l’intérêt de pouvoir être systématiquement mis en place dès aujourd’hui, là où l’évolution des pratiques et offres de l’entreprise nécessite une transformation plus profonde et dans le temps.

Cette réflexion ouvre également le sujet de la place de la publicité dans la société, et notamment sur les financements qu’elle amène à différents services : mobilier urbain, accès à l’information, accès gratuit à des services, financement d’évènements. Les choix de canaux médias effectués par les annonceurs impactent fortement certaines structures, et peuvent amener une transformation globale des pratiques.

Conclusion

Le secteur de la publicité se saisit actuellement des enjeux de développement durable, notamment à travers une mobilisation des acteurs autour de la mesure de l’empreinte environnementale des campagnes publicitaires. La mesure et la réduction de cette empreinte est nécessaire dans la mesure où l’ensemble des secteurs et activités des organisations doivent contribuer à la réduction des pressions environnementales.

Elle constitue un premier pas pour les acteurs du secteur de la communication pour monter en maturité sur les enjeux environnementaux sur un périmètre qu’ils maitrisent, mais elle doit être suivie et complétée d’une réflexion plus large sur le rôle que la publicité peut prendre dans l’ensemble des aspects de la transformation des habitudes vers un modèle plus durable.

Sources :

¹ Outil de calcul d’empreinte carbone A.L.I.C.E (Advertising Limiting Impacts & Carbon Emissions), interne à l’agence Publicis Groupe

² V2-Ref-Calcul-de-lempreinte-carbone-dif-campagnes-digitales-SRI-x-AD_VF2205.pdf

³ SNPTV_Calcul-empreinte-carbone-TV-Vdef.pdf

SRP_Referentiel_de_Calcul_de_lempreinte_carbone_de_la_diffusion_des_campagnes_pub_en_Presse-3.pdf

⁵ garm_anz_global-media-sustainability-framework.pdf

⁶ Global Media Sustainability Framework – The-Ad-Net-Zero-Global-Media-Sustainability-Framework-2024-1.pdf

⁷ Sources : Base empreinte ADEME, basée sur l’étude FEDEREC (2017) Papier, carton et articles en papier ou en carton et Base Ecoinvent

 ISO 14040:2006 – Management environnemental — Analyse du cycle de vie — Principes et cadre

Étude de l’impact environnemental des usages audiovisuels en France | Arcom

¹0 ARCOM – Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique
ADEME – Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie
ARCEP – Autorité de Régulation des Communications Electroniques, des Postes et de la distribution de la Presse

¹² Indicateur environnemental holistique | NEC https://www.nec-initiative.com/fr/

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