Dans la lignée des lois REEN (Réduire l’Empreinte Environnementale du Numérique) et Climat et Résilience de 2021, l’ARCEP a été doté de nouveaux pouvoirs en matière de collecte des données environnementales non seulement auprès des opérateurs télécoms, mais également auprès des opérateurs de datacenters, des fabricants de terminaux, des équipementiers ou encore des fournisseurs de systèmes d’exploitation.
Comme chaque année depuis 3 ans, l’ARCEP a publié en mars 2024 son enquête « Pour un numérique soutenable » portant sur l’année 2022.
Cette enquête est riche en données permettant d’éclairer les tendances du numérique et de son empreinte environnementale en France, notamment au regard de différentes études prospectives réalisées sur le sujet au cours des dernières années : en 2022, l’ADEME et l’ARCEP ont publié une étude portant sur l’impact environnemental du numérique en France, comprenant un volet de prospective.
Sur la base de cette étude, I Care by BearingPoint a réalisée en 2023 pour l’ADEME Grand Est une déclinaison régionale de cette étude, proposant plusieurs scénarios prospectifs d’évolution des tendances d’usage numérique, globalement alignés et les scénarios nationaux. Quelles sont donc ainsi les grandes tendances de l’évolution du numérique et de son empreinte environnementale, notamment au regard des scénarios prospectifs existants ?
La consommation énergétique des réseaux internet continue sa croissance
Cœur de métier historique de l’ARCEP, le sujet des réseaux occupe une place importante dans les résultats présentés dans l’enquête annuelle. En matière de consommation énergétique des réseaux fixes & mobiles, la tendance est à l’accélération de la croissance de la consommation : +7% entre 2022 et 2021 (pour atteindre 2,6 TWh), contre +5%/an en moyenne depuis 2017, le tout dans un contexte de réduction globale de la consommation électrique en France (-4% en 2022 [1]).
Cette augmentation importante est majoritairement portée par le réseau mobile, en croissance de 14% en 2022. L’augmentation sur le réseau mobile est 3 fois plus rapide que l’augmentation prévue par le scénario « tendanciel » de la prospective réalisée par I Care by BearingPoint pour le compte de l’ADEME Grand Est, potentiellement portée par le développement de la 5G et par une hausse constante des quantités de données transitant sur le réseau.
Ces deux vecteurs de hausse étaient bien intégrés à la prospective réalisée, mais semblent avoir été sous-estimés par rapport à cette augmentation constatée entre 2022 et 2021, qui est aussi 3 fois plus élevée que celle entre 2021 et 2020 (alors globalement alignée avec le scénario « tendanciel » des scénarios ADEME). A l’inverse, la consommation du réseau fixe est en diminution de 14% en 2022, une baisse qui s’explique notamment par le passage des réseaux cuivre aux réseaux fibre optique mais ne suffit pas à contrebalancer la hausse sur le mobile.
Même si la consommation électrique des réseaux ne représente que 0,9% de la consommation électrique totale en France, l’accélération de la hausse de cette consommation souligne que le secteur du numérique continue d’aller à contre-courant des objectifs globaux de réduction des consommations énergétiques.
Des datacenters toujours plus gourmands en électricité
Autre infrastructure majeure de la sphère numérique aux côtés des réseaux, les datacenters sont régulièrement pointés du doigt pour leur empreinte environnementale.
Les résultats de l’enquête de l’ARCEP sur le sujet soulignent une augmentation des émissions de GES des opérateurs de datacenters sur le territoire français [2], avec +14% entre 2022 et 2021, pour atteindre 95ktCO2e, portée par l’augmentation de leurs consommations énergétiques qui augmente elle de 15% (soit 2,1 TWh consommés au cours de l’année).
Ici encore, cette augmentation est plus importante que celle prise en compte dans les scénario « tendanciel » des études récentes, soulignant une accélération de la croissance du secteur. Cette tendance pourrait aussi s’expliquer par une migration plus rapide que prévu des datacenters & datarooms dédiés vers le cloud et les datacenters de colocation.
Le PUE (Power Usage Effectiveness) est un des indicateurs de référence pour évaluer l’efficacité des datacenters : plus le PUE est proche de 1, plus le datacenter est performant en matière d’efficacité énergétique. Les PUE relevés par l’enquête de l’ARCEP sont en moyenne de 1,5 (entre 1,35 et 1,6 en fonction de l’âge), soit une valeur cohérente avec celle prise en compte dans l’étude conduite par I Care by BearingPoint au profit de l’ADEME Grand Est.
Ces valeurs soulignent surtout que le gain d’efficacité énergétique seul n’est pas suffisamment rapide pour contrebalancer la hausse des usages : passer d’un PUE moyen de 1,5 à 1,35 permet de réduire de 10% la consommation électrique, mais cette évolution du PUE se fait plutôt à l’échelle de la décennie que de l’année. Cette conclusion rejoint celle des scénarios prospectifs de l’étude ADEME Grand Est, qui souligne la nécessité de mobiliser tant les leviers techniques que d’usage.
Un marché des équipements numériques utilisateurs qui évolue
Les équipements numériques sont les premiers contributeurs aux impacts environnementaux du numérique et la très grande majorité de leurs impacts sont générés au cours de leur fabrication (dans le cas d’une utilisation en France).
En 2022, une baisse des ventes à été constatée pour l’ensemble des types d’équipements, de -6% par rapport à 2021 pour les téléviseurs à -22% par rapport à 2021 pour les PC portables. Si cette baisse semble positive du point de vue de l’impact environnemental, il est trop tôt pour savoir si elle manifeste d’une vraie prise de conscience en la matière ou si elle résulte uniquement des variations d’un contexte macro-économique fortement marqué par l’inflation.
A l’inverse de cette réduction des ventes, la taille d’écran moyenne de tous les terminaux continue d’augmenter, à part pour les téléviseurs. La baisse de la taille de téléviseurs est donc la seule à s’inscrire dans le scénario de sobriété numérique de l’étude ADEME Grand Est, mais ici encore il est difficile de savoir si cette baisse sera conjoncturelle et épisodique ou structurelle et durable. L’édition 2025 de l’enquête ARCEP pourra contribuer à répondre à la question.
Alors, comment passer à l’action?
L’étude « Pour un numérique soutenable » de l’ARCEP portant sur l’année 2022 souligne donc que la forte dynamique de croissance du secteur du numérique continue de s’opposer aux objectifs de transition écologique du pays.
Comme déjà enseigné par les scénarios prospectifs des études ADEME/ARCEP et ADEME Grand Est, les gains de performance environnementale sont bien loin d’être suffisant pour compenser l’accélération de la croissance des usages.
Si le chemin est encore long pour renverser la tendance et assurer que le secteur du numérique contribue à la réduction de ses impacts environnementaux, il est possible et crucial d’agir dès maintenant et à toutes les échelles : I Care by BearingPoint accompagne tout type de structure, entreprise, collectivité territoriale ou institution publique à déployer et promouvoir un numérique moins impactant pour l’environnement, de la mesure des impacts environnementaux à la mise en place de feuille de route permettant de transformer les pratiques.
Par exemple :
- En tant qu’acteur local, mesurer l’empreinte du numérique sur mon territoire et évaluer les potentialités d’évolution pour sensibiliser les acteurs du territoire aux bonnes pratiques, par exemple pour venir nourrir mon Plan Climat-Air-Energie Territorial (PCAET)
- A l’échelle des filières du numérique (audiovisuel, jeu vidéo etc.), décliner les outils permettant la mesure de l’empreinte environnementale et équiper les entreprises de la filière pour passer à l’action, comme avec l’outil Jyros pour le secteur du jeu vidéo
- En tant qu’organisation privée ou publique, mettre en œuvre le Numérique Responsable dans mon entité via la mesure et le déploiement d’une feuille de route « Numérique Responsable »
Sources
[1] Source : RTE bilan électrique 2022, Bilan électrique 2022 | RTE (rte-france.com)
[2] Datacenters de colocation uniquement, sur le périmètre d’émissions de GES « scopes 1+2 »
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