Face à l’érosion rapide de la biodiversité et aux liens qui existent entre le climat et la biodiversité, il est essentiel de prendre en compte ces deux aspects conjointement. Le réseau Science-Based Targets Network (SBTN), membre de la Global Commons Alliance, propose des cadres d’engagements volontaires pour le climat et la nature. Construisant sur le succès de l’initiative Science Based Targets (SBTi), le réseau SBTN étend la logique SBTi à d’autres limites planétaires en développant des objectifs pour la réduction des impacts sur le sol, l’eau douce, les océans et la biodiversité (SBT for Nature) depuis 2020. Les objectifs « mesurables, concrets, limités dans le temps et fondés sur la meilleure science disponible » visent à aligner les acteurs sur les limites planétaires et les objectifs mondiaux de développement durable.
1. Quelle est l’ambition du cadre SBT for Nature ?
Objectifs et principes du cadre SBTN
SBT for Nature est le premier cadre d’engagement volontaire permettant de mettre en regard la pluralité des pressions exercées sur la nature et la vulnérabilité de la nature à l’endroit où s’exercent les activités de l’entreprise (opérations directes tout comme activités en amont de sa chaîne de valeur). L’approche SBT for Nature invite ainsi à décliner le concept de limites planétaires, au niveau local et en étudiant les enjeux pression par pression [1].
Le périmètre de la méthodologie SBT for Nature couvre non seulement les opérations directes mais également la chaîne de valeur amont des entreprises, souvent identifiée comme source d’impacts majeurs dans les mesures d’empreinte biodiversité.[2]
Loin d’être un simple outil de reporting des impacts sur la nature, la méthodologie SBT for Nature se distingue par son socle scientifique et son ambition transformatrice. Elle vise en effet à accompagner les entreprises dans la fixation d’objectifs fondés sur la science (ou « cibles SBT ») et dans l’établissement de plans d’actions robustes pour qu’elles puissent réduire les pressions que leurs activités exercent sur la biodiversité et se réaligner sur des seuils de bon état écologique. La méthodologie facilite ainsi l’intégration de la nature dans le modèle d’affaires des entreprises.
« Les objectifs fondés sur la science sont définis comme des objectifs mesurables, applicables et délimités dans le temps, basés sur les meilleures données scientifiques disponibles, qui permettent aux acteurs de s’aligner sur les limites planétaires et sur les objectifs de développement durable. » (Source : SBTN-Initial-Guidance-Executive-Summary_French.pdf (sciencebasedtargetsnetwork.org)
Pourquoi prolonger son engagement SBTi avec SBT for Nature
S’engager dans une démarche SBT
S’engager dans une démarche SBT (SBTi et SBT for Nature) permet aux entreprises de contribuer à leur échelle à l’effort collectif vers une transition net zéro et nature positive. Cet engagement leur permet de se positionner comme entreprise « en transition » (dans leur secteur en matière de climat et de biodiversité, en adossant leurs politiques internes sur le climat et la nature à une approche ambitieuse basée sur la science.)
S’engager dès à présent dans une démarche SBT for Nature
Le changement climatique et l’érosion de la biodiversité sont étroitement liés et s’accentuent mutuellement. Mettre en place une démarche SBT for Nature vient ainsi prolonger l’engagement SBTi des entreprises et lui donner une ampleur et une cohérence supplémentaires.
Explicitement citée, entre autres, dans la SNB3 (Stratégie Nationale de Biodiversité) et la TNFD (Taskforce on Nature-related Financial Disclosures) [3] , la démarche SBT for Nature s’est établie en quelques années comme un cadre de référence pour les entreprises qui souhaitent prendre des mesures crédibles pour réduire leurs impacts sur la nature. [4]
La démarche SBTN est aussi citée de manière explicite dans la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) à travers les ESRS E2-3 (Pollution), E3-3 (Ressources aquatiques et marines) et E5-3 (Utilisation des ressources et économie circulaire). De plus, bien qu’elle ne soit pas directement citée dans l’ESRS E4 (Biodiversité), la démarche SBTN apparaît comme un outil pertinent pour remplir ces exigences d’évaluation et de reporting extra-financier à l’échelle européenne.
L’ESRS E4-1 de la CSRD sur la biodiversité et les écosystèmes exige que les entreprises concernées par la CSRD évaluent le potentiel d’adaptation (résilience) de leur modèle d’affaires (scopes direct, amont et aval) par une analyse de double matérialité et recommande de publier un plan de transition dédié à la prise en compte de la biodiversité et aux écosystèmes. Il est conseillé que ce plan de transition contienne les éléments suivants : le processus d’identification et d’évaluation des impacts, risques et opportunités, les objectifs et les actions associées, et les effets financiers éventuels.
Pour davantage d’informations, voir notre article : CSRD, TNFD, SBTN : Quelle complémentarité entre les cadres ?
2. Où en est le développement de la méthodologie SBT for Nature ?
Une méthodologie en 5 étapes
La méthodologie SBT for Nature s’articule autour de cinq grandes étapes, à suivre dans l’ordre :
Ce cheminement aide les entreprises à comprendre leurs principaux impacts sur la nature (étapes 1 et 2), fixer des objectifs basés sur la science pour aligner leurs activités sur des seuils de bon état écologique (étape 3), établir des plans d’action clairs à court et moyen terme (étape 4) et enfin suivre leurs progrès dans le temps et en rendre compte (étape 5).
Pour chaque étape, le réseau SBTN fournit des guides méthodologiques (« guidance ») au sein desquels les modalités de validation de ladite étape sont explicitées. A ce jour, la méthodologie est disponible pour les trois premières étapes et sera ajustée avec les retours des entreprises pilotes les ayant testées dans le cadre du Target Setting Group [5] La méthodologie concernant les étapes 4 et 5 est en préparation. Les paragraphes qui suivent décrivent le contenu de chacune de ces étapes.
Etape 1 : évaluer les impacts les plus matériels sur la nature
L’étape 1A consiste en une évaluation de la matérialité du sujet biodiversité pour le ou les secteur(s) économique(s) auxquels correspondent les activités de l’entreprise, sur le périmètre des opérations directes et sur l’amont. Elle est suivie d’une étape 1B centrée sur la localisation et l’évaluation des pressions le long de la chaîne de valeur de l’entreprise, et sur l’identification de la vulnérabilité de la nature aux endroits où s’exercent les activités de l’entreprise (amont et opérations directes).
Les principaux facteurs de perte de la biodiversité sont couverts lors de l’étape 1, à savoir les émissions de gaz à effet de serre mais également les usages et les changements d’usage des sols, les pollutions, la surexploitation des ressources. La perte de biodiversité liée aux espèces exotiques envahissantes sera incluse dans une prochaine version du guide méthodologique.
- L’étape 1A offre un premier aperçu de la répartition des impacts de l’entreprise tout le long de sa chaîne de valeur, par rapport au secteur d’activité auquel elle appartient. Elle s’effectue à l’aide d’outils génériques tels que le Materiality Screening Tool (MST), un outil d’analyse de matérialité sectorielle développé par le réseau SBTN. Selon les besoins de l’entreprise, cette première étape peut être complétée par une analyse qualitative des impacts et des dépendances à la biodiversité et/ou par une analyse quantitative des impacts sur la biodiversité, à l’aide d’outils tels que le Corporate Biodiversity Footprint [6] (CBF), le Global Biodiversity Score® ou d’autres analyses préalablement réalisées par l’entreprise.
- L’étape 1B permet d’affiner les premiers résultats et d’évaluer en profondeur les impacts de l’entreprise sur la nature, d’une façon qui reflète ses spécificités propres. Cette étape nécessite une phase de collecte de données significative et une phase d’analyse approfondie. L’étape 1B s’intéresse aussi bien aux pressions qu’exerce l’entreprise sur la nature qu’à la vulnérabilité de la nature (« états de la nature ») dans les localisations où l’entreprise a des activités, y compris les zones de production des matières achetées par l’entreprise. L’ajout d’informations géographiques dans cette étape permet d’améliorer significativement la précision de l’analyse de matérialité réalisée à l’échelle sectorielle. Par conséquent, tout travail déjà entrepris par l’entreprise quant à la cartographie de sa chaîne de valeur et de ses approvisionnements est particulièrement valorisé dans cette étape
Etape 2 : prioriser les localisations & activités pour lesquelles il sera nécessaire de fixer des objectifs
L’étape 2 permet de prioriser les localisations identifiées comme les plus matérielles en termes d’impacts sur la nature, à la fois au niveau des opérations directes et de la chaîne de valeur [7]. En croisant les données sur les pressions exercées spécifiquement par l’entreprise dans certaines localisations, et les informations sur la vulnérabilité de ces localisations (états de la nature), l’étape 2 permet de prioriser les activités les plus contributrices aux facteurs de perte de biodiversité. La liste des activités prioritaires obtenue peut ensuite être contextualisée à l’aide d’informations supplémentaires (sociales, sociétales, financières et autres facteurs internes) afin de s’assurer de la faisabilité opérationnelle de ces objectifs et de l’intérêt stratégique de ces activités pour l’entreprise.
Etape 3 : fixer des objectifs pertinents à la fois pour la nature et l’entreprise
Elle se base sur la priorisation réalisée en étape 2 et vise à permettre aux entreprises de s’aligner sur les limites planétaires en fixant des objectifs respectant les seuils de bon état écologique des territoires. Des guides par type de milieux ont été publiés par le réseau SBTN, qui détaillent les différentes approches (écosystèmes terrestres, écosystèmes d’eau douce). Une méthodologie pour les écosystèmes marins est en cours de rédaction (phase pilote qui débute ce semestre). Un complément d’approche est également en réflexion pour s’assurer de la cohérence des objectifs au regard de leurs impacts sur les espèces.
Dans cette étape, les entreprises sont invitées à fixer les objectifs suivants, ainsi qu’à calculer les associés :
* Le respect des droits humains et la participation effective et informée de toutes les parties prenantes sont pleinement intégrés dans la méthodologie SBT for Nature, particulièrement au sein de la cible d’engagement, afin notamment de garantir la réussite des initiatives.
Etapes 4 et 5 : construction d’un plan d’action et suivi de l’atteinte des objectifs
Une mise à jour des méthodologies des étapes 1 à 3 est prévue dans les mois à venir, tandis que la publication de l’étape 4 est prévue en 2025 . Le caractère pionnier de la méthodologie SBT for Nature se traduit par un processus itératif impliquant les entreprises pilotes sur une durée conséquente afin de fournir une méthodologie à la fois alignée sur la science et opérationnelle pour les entreprises.
Bien que le processus détaillé de mise en œuvre de ces deux étapes soit encore en cours d’élaboration, les concepts sous-jacents sont déjà identifiés :
- L’étape 4 s’appuiera sur le cadre ER3T (Eviter, Réduire, Restaurer et Régénérer et Transformer) pour établir des plans d’action solides permettant l’atteinte des objectifs fixés à l’étape 3.
- L’étape 5 fournira aux entreprises des éléments pour suivre l’atteinte de leurs objectifs et communiquer sur leurs avancées.
3. Où en est l’application de la méthodologie SBT for Nature et comment faire valider sa démarche ?
Etat des lieux de l’engagement des entreprises
En s’engageant dans une démarche SBT (SBTi ou SBT for Nature), les entreprises peuvent contribuer au développement des méthodologies, des outils et des orientations du réseau SBTN, à travers le Corporate Engagement Program qui rassemble des entreprises, des consultants, des coalitions industrielles et des institutions financières.
Aujourd’hui, plus de 120 entreprises – représentant plus de 20 secteurs d’activités et 25 pays – sont engagées dans la démarche SBT for Nature. Un groupe de 17 entreprises pilotes, appelé le Target Setting Goup, a été sélectionné pour tester l’étape 3.
I Care accompagne l’une des entreprises du Target Setting Group dans la fixation d’objectifs basés sur la science (SBT) dans le cadre de l’étape 3. Cette phase de test pilote, qui se terminera courant 2024, vise à garantir que les critères de validation permettent aux entreprises de définir des objectifs réalisables et clairs, et d’ajuster la méthodologie si nécessaire.
Comment faire valider officiellement une démarche SBT for Nature ?
Afin que sa démarche soit validée par le SBTN et qu’elle puisse revendiquer des objectifs « nature » basés sur la science, chaque entreprise est invitée à remplir un formulaire de soumission qui devra faire l’objet d’une approbation par le comité indépendant de validation des engagements du SBTN. Ce comité est constitué d’experts dont la mission est de valider l’intégrité des objectifs et de s’assurer qu’ils répondent aux critères et aux méthodologies requis pour la fixation d’objectifs basés sur la science (SBT).
Pour fixer un objectif SBT for Nature, les entreprises doivent rassembler des données, impliquer leur chaîne de valeur et obtenir l’adhésion des dirigeants. Bien qu’accessible à toutes les entreprises, la méthodologie exige des moyens humains importants dans la durée, ce qui peut rendre nécessaire l’appui d’un consultant ou expert externe. Le SBTN a ainsi identifié, au sein de la Referral List – dans laquelle I Care est référencé comme expert, les prestataires en mesure d’accompagner les entreprises dans leur démarche SBT for Nature.
Les entreprises intéressées sont invitées à entamer leur démarche SBT for Nature dès à présent afin de pouvoir la faire valider officiellement courant 2024 (la procédure de validation par le réseau SBTN sera ouverte à un premier lot d’entreprises une fois le pilote terminé).
4. I Care propose un accompagnement personnalisé aux entreprises souhaitant s’engager
Fort de ses équipes climat et biodiversité et de ses différentes expertises sectorielles, I Care accompagne les entreprises dans l’élaboration de leur stratégie bas carbone et de leur stratégie biodiversité, en prenant notamment appui sur les cadres du réseau SBTN (SBTi et SBT for Nature).
En tant que membre de la Referral List et du Corporate Engagement Program, I Care contribue, depuis 2021, à tester et à améliorer la méthodologie SBT for Nature, notamment dans le cadre du groupe pilote. Partenaire de plusieurs entreprises engagées dans les étapes 1 à 3, I Care dispose de l’expertise technique pour vous accompagner dans votre démarche SBT for Nature ou, selon vos besoins, dans l’élaboration d’une stratégie biodiversité inspirée du cadre SBT for Nature. Davantage d’informations sur la méthodologie du SBTN et sur notre offre d’accompagnement sont disponibles sur demande.
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Pour aller plus loin
- Guiding Companies For a Nature Positive Future: SBTN’s Interplay with Global Initiatives – Science Based Targets Network
- Resources – Science Based Targets Network
Sources
[1] La pression pollution de l’eau par exemple doit être traitée bassin versant par bassin versant, en fonction de seuils de bon état écologique à respecter localement, et indépendamment des autres pressions exercées.
[2] A ce stade, les activités en aval de la chaîne de valeur ne sont pas encore couvertes par la première version de la méthodologie mais le réseau SBTN rappelle que, pour certains secteurs, l’aval peut représenter une part substantielle des impacts. Leur inclusion fera l’objet de publications futures (Technical Guidance SBTN Step1, 2023)
[3] Cahier-des-fiches-mesures-SNB2030.pdf (ecologie.gouv.fr) p174 ; Guidance for corporates on science-based targets for nature – TNFD
[4] Pour plus de détails sur la complémentarité entre les cadres SBTN, TNFD et CSRD, consulter notre article Insight | CSRD, TNFD, SBTN: Quelle complémentarité entre les cadres? – I Care by BearingPoint (i-care-consult.com)
[5] Le Target Setting Group rassemble 17 entreprises sélectionnées pour tester l’étape 3 de l’approche SBT for Nature.
[6] Le CBF est un outil de mesure d’empreinte codéveloppé par I Care et Iceberg Data Lab, qui est recensé parmi les outils reconnus par le SBTN.
[7] A ce stade, les activités aval ne sont pas couvertes par la méthodologie SBT for Nature
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