Insight | Le Cadre TNFD, un Nouveau Cap pour le Reporting Biodiversité?

Insight | Le Cadre TNFD, un Nouveau Cap pour le Reporting Biodiversité?
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Victor Surel Victor Surel
Constance von Briskorn Constance von Briskorn
Maud Minuit Maud Minuit
Eliette Verdier Eliette Verdier

Le mois de septembre a été marqué par le lancement du cadre officiel produit par la Taskforce on Nature-related Financial Disclosure (TNFD) lors de la Climate Week.

Ce lancement, point d’orgue de deux ans de co-construction avec les entreprises, institutions financières et organismes non gouvernementaux, est le produit d’un processus itératif de test et de partage de retours d’expérience, auquel I Care a participé à plusieurs reprises, sous la forme de tests pilotes et d’un position paper.

Pour obtenir une meilleure compréhension de la TNFD et de la manière de la mettre en œuvre, vous pouvez d’ailleurs consulter ici la synthèse de notre pilote sur le secteur agricole et agroalimentaire.

Les entreprises et institutions financières volontaires disposent désormais d’un ensemble de recommandations pour évaluer et divulguer les impacts et dépendances de leurs activités sur la nature ainsi que d’estimer les risques et opportunités associés. Le cadre reprend les 4 piliers de la TCFD (Gouvernance, Stratégie, Gestion des Risques et des Impacts, Métriques et Objectifs) et recherche également une cohérence avec les standards et réglementations existants, tels que les standards de l’ISSB, la réglementation mise en place dans l’Union européenne (CSRD, SFDR) et l’Accord de Kunming Montréal.

Les grandes nouveautés

Ce lancement a été l’occasion de réaffirmer certains éléments déjà partagés lors des différentes versions bêta, ainsi que de communiquer sur les éléments nouveaux venant compléter ces dernières. Parmi les multiples publications et nouveautés de cette première version officielle, voici celles que nous retenons :

Des précisions et ajouts concernant ses 14 recommandations de reporting :

  • Sur le pilier gouvernance : la TNFD demande désormais à l’entreprise ou l’institution financière de décrire sa politique en matière de droits humains, à propos notamment des peuples autochtones et des communautés locales qui pourraient être affectés par ses activités, réaffirmant ainsi la nécessité d’engager ces parties prenantes.
  • Sur le pilier stratégie : il est recommandé de divulguer les emplacements des activités directes de l’organisation et, si possible, ceux de la ou des chaînes de valeur en amont et en aval qui répondent aux critères d’emplacement prioritaire. La TNFD permet ici de saisir la spécificité des enjeux biodiversité, à savoir l’importance de localiser pour un acteur ses interfaces avec la nature.
  • Sur le pilier gestion des risques et des impacts : consciente que pour une majorité d’entreprises, les principaux enjeux se situent dans la chaine de valeur, la TNFD insiste sur l’importance de divulguer leur processus pour identifier, évaluer et prioriser les dépendances, les impacts, les risques et les opportunités liés à la nature en distinguant l’analyse couvrant ses propres opérations de celle pour sa chaîne de valeur.

Des publications (guidance) complémentaires :

  • A destination du secteur financier: dans le but de répondre aux besoins spécifiques des institutions financières, la TNFD a publié un ensemble de recommandations dédiées. Cette publication complémentaire aborde en particulier la question des métriques nécessaires pour guider les choix d’investissement vers une meilleure prise en compte de la biodiversité. Elle comprend également un ensemble de recommandations sectorielles visant à préciser les attentes de la TNFD en fonction des enjeux spécifiques des différents secteurs économiques. D’autres recommandations sont attendues pour 6 secteurs ayant de forts impacts et dépendances vis-à-vis de la nature en novembre prochain.
  • Des précisions sur le processus LEAP (ndlr. processus qui permet aux acteurs d’identifier et d’évaluer leurs impacts, dépendances, risques et opportunités associés à la nature) ont été détaillées dans une publication dédiée. Ces nouveautés sont notamment :
    ➔ Des questions simplifiées et plus précises sur la phase préalable de Scoping, qui se cantonne désormais à une analyse préliminaire rapide et macro des données internes et externes afin de limiter le temps passé sur cette étape. Le but est de formuler une première estimation des DIRO (Dépendances, Impacts, Risques et Opportunités) et de s’accorder sur les objectifs, les délais et le périmètre de l’étude.
    ➔ Une évolution des questions sur la phase de Localisation, désormais formulées en entonnoir au travers de différents filtres, dans le but de faciliter l’identification des « emplacements prioritaires».
    ➔ L’ajout d’une phase d’évaluation de la matérialité de l’impact, des risques et des opportunités une fois ceux-ci évalués. La TNFD a réaffirmé l’importance de laisser aux acteurs la liberté d’évaluer eux-mêmes le seuil de matérialité, afin d’être alignés avec la réglementation à laquelle ils sont soumis, telle que la CSRD pour les acteurs européens.
    ➔ La mise en avant de liens entre les différentes composantes du LEAP et les 14 recommandations de reporting de la TNFD.

En bref

Nous saluons vivement le lancement de ce cadre, appelé par son exhaustivité à devenir un standard majeur à destination des entreprises et acteurs financiers pour identifier, piloter et divulguer leurs impacts, dépendances, risques et opportunités vis-à-vis de la biodiversité.

Sa clarté est à souligner, notamment au regard de la complexité des enjeux. L’approche de la TNFD se veut en effet pédagogique : un ensemble de ressources, de cas d’étude et de guides a été mis à disposition afin d’aider les acteurs à se saisir du sujet en autonomie.

Fort de ces deux principales qualités, le cadre de la TNFD constitue un pas important vers un traitement plus harmonisé et transparent de la biodiversité, tout en permettant une mise en cohérence avec le traitement du sujet climatique. Bâti sur la structure de la TCFD tout en la complétant et en l’adaptant, le cadre adopte une approche intégrée des risques liés au climat et à la nature, facilitant ainsi à l’avenir un traitement commun de ces deux enjeux dans le reporting.

Des défis subsistent néanmoins, qu’il importera de relever au fur et à mesure, chemin faisant. Nous souhaiterions en souligner trois :

  • Assurer la convergence des métriques: du fait de la nature même de la biodiversité, l’absence de métrique universellement acceptée comme le CO2 équivalent pour le climat a généré un foisonnement d’indicateurs – notamment sur la mesure d’impact – qu’il est souhaitable de faire converger vers quelques indicateurs complémentaires. La TNFD a ainsi identifié plus de 3 000 métriques liées à la nature dans le cadre de son travail. Assurer la convergence de ces métriques est un enjeu particulièrement complexe et clé pour la suite ;
  • Continuer à affiner et structurer le concept d’opportunités liées à la nature: à ce jour, dans la TNFD, ce concept englobe sans distinction les opportunités de « performance de durabilité » (réduction d’impacts négatifs et contributions positives) et les opportunités « business » (développement de nouveaux marchés, réglementaires, etc.). Ces deux types d’opportunités ne sont pas symétriques : bien que la viabilité des entreprises soit clé dans le succès de la mise en place des opportunités de « performance de durabilité », les premières sont bien évidemment plus fondamentales pour parvenir à atteindre l’objectif internationalement posé à la COP15 de « nature-positive » d’ici à 2030. Dans ce contexte, une élaboration plus fine du concept d’opportunités liées à la nature nous semble un enjeu important pour la TNFD ;
  • Passer de la transparence du reporting à la fixation d’objectifs : aussi complet qu’il soit, le cadre TNFD constitue un ensemble de recommandations de reporting qu’il convient désormais de remplir. Au-delà des enjeux de divulgation, il est essentiel que les acteurs privés s’engagent résolument dans un chemin de réduction de leurs impacts négatifs sur la nature et de contribution positive. En ce sens, ils gagneront également à se saisir d’initiatives telles que la méthodologie SBTN (science-based targets for nature développés par le Science Based Targets Network) pour passer à l’action en se fixant des objectifs concrets et basés sur la science et contribuer ainsi, à leur niveau, à l’atteinte des grands objectifs et cibles du Global Biodiversity Framework.

Passer à l’action

Les apparentes lacunes en termes de disponibilité ou de qualité de la donnée ne doivent pas être un frein pour commencer à s’emparer du sujet biodiversité. Comme souligné dans le manuel « Getting started with the adoption of the TNFD » publié à l’occasion du lancement du cadre, l’enjeu pour les organisations est de démarrer et d’avancer par itération, en s’inscrivant dans une logique d’amélioration continue. Il est par ailleurs possible de tirer profit de l’existant, en s’appuyant sur des reporting, audits ou mises en conformité préexistants.

Pour enrayer le déclin de la biodiversité, une action urgente et collective est nécessaire. Dans ce contexte, la TNFD appelle toutes les entreprises et les acteurs financiers ayant l’intention d’adopter le cadre de la TNFD à se manifester.

 

L’équipe d’I Care se tient à la disposition de tous les acteurs souhaitant se saisir de ce cadre, en passe de devenir, au même titre que la TCFD, un élément incontournable de la transition vers une économie plus durable, résiliente et écologique.

 


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