Quel est l’impact du streaming vidéo par rapport à l’usage « historique » des DVDs ? Quel est l’impact du cloud gaming par rapport au jeu vidéo « classique » disque sur console ?
Pour le compte de l’ADEME (Agence de la Transition écologique), I Care a réalisé une ACV (Analyse de Cycle de Vie) de la digitalisation des services culturels, entre Septembre 2021 et Novembre 2022.
Périmètre, Objectifs et Méthodologie
Cette étude s’est focalisée sur 4 services culturels : regarder un film, écouter de la musique, jouer aux jeux vidéo et lire un livre.
Ces 4 services connaissent un essor de« digitalisation » : les formats « numériques » (liseuse numérique, streaming, jeu dématérialisé, cloud gaming) viennent remplacer et/ou s’ajouter aux formats « physiques » (bien que tout est bien matériel, il n’y pas de 100% dématérialisation) historiquement plus répandus.
L’objectif de l’étude était de mener une ACV comparative des services au format « physique » et « numérique », afin de comprendre les impacts environnementaux des services culturels et de leur digitalisation, et identifier des leviers de réduction de ces impacts.
Pour rappel, l’Analyse de Cycle de Vie est une méthodologie d’évaluation des impacts environnementaux. Ses principaux avantages sont :
- Une approche cycle de vie ;
- Une approche basée sur les métriques ;
- Une approche multicritères.
Cette étude suit les normes ISO 14040/44, et a fait l’objet d’une revue critique afin de valider cette conformité, réalisée par Tide et Hubblo.
L’ACV appliquée aux services culturels expliquée
Une unité fonctionnelle est définie pour chaque service culturel :
- Permet d’évaluer les différents scénarios d’un service sur une même base (format, équipements utilisés, etc.).
Ex : 1h de service culturel
Tous équipements « tiers », infrastructures réseaux et datacenters nécessaires au service sont inclus dans le périmètre, conformément au PCR Services Numériques :
Ex : L’écoute de musique au format CD nécessite un CD et une chaine Hi-fi
Ex : Le visionnage de film en streaming nécessite une TV, une box TV, des infrastructures réseaux (core, aggregation, access), des datacenters
Toutes les étapes du cycle de vie des éléments mobilisés par le service sont inclues : fabrication, transport, utilisation, fin de vie :
- Des allocations sont ensuite utilisées pour ramener les impacts par unité fonctionnelle
Ex : l’impact de la fabrication d’une TV est ramené par heure d’utilisation en divisant par la durée totale d’utilisation de la TV au cours de sa durée de vie.
Le caractère « physique » ou « numérique » des scénarios peut être discuté :
- Les scénarios dit « numériques » restent physique : infrastructures réseau, équipements, etc. Les scénarios « numérique » sont surtout ceux qui utilisent internet (fixe ou mobile).
- La dématérialisation concerne éventuellement le support de contenu (ex : DVD). A l’inverse, les scénarios « physiques » utilisent également des équipements numériques (TV, console).
La comparabilité des scénarios peut être discutée :
- Les scénarios ne rendent pas exactement le même service :
Ex : streaming audio vs format CD. Internet mobile vs fixe.
Ex : cloud gaming vs jeu téléchargé
- Certains scénarios numériques ont été ajoutés pour couvrir plus d’usage du numérique, mais sont plus éloignés des scénarios physiques :
Ex : lecture sur tablette, film en streaming sur smartphone.
La matérialité accrue des services numériques due à des équipements utilisateurs qui se multiplient et qui dépendent des intensités d’usages considérées
Cette étude ne permet pas de conclure de façon globale que les services culturels numériques sont meilleurs que leurs alternatives physiques. L’impact environnemental d’un service culturel, qu’il soit digital ou physique dépend en partie de l’intensité d’usage qui en sera fait.
A travers cette étude, l’ADEME révèle que la digitalisation des services culturels complexifie et multiplie les équipements nécessaires à ces nouveaux services. Ces équipements, qui nécessitent une large variété de matières premières et de métaux, génèrent des impacts non négligeables sur tous les indicateurs.
La digitalisation accrue a fait exploser la consommation de services culturels audio et vidéo autrefois jugulée par les supports physiques : à titre d’exemple, le streaming vidéo captera bientôt 80 % du trafic web mondial. Aussi, du fait de ces possibilités plus variées, le temps d’écoute de musique et le visionnage de vidéos peut donc augmenter, ce qui contribue à augmenter la consommation de données transmises. De plus, écouter de la musique et regarder un film sur son smartphone via des données mobiles comme la 4G (usage très répandu), engendre des intensités énergétiques plus importantes qu’avec une connexion en réseau fixe via le wifi par exemple.
Toutefois, il convient de considérer l’effet rebond, qui n’est pas pris en compte par le biais de l’ACV, et d’autres effets indirects du numérique. Afin de déterminer des politiques publiques permettant de réduire l’impact environnemental du numérique, il convient d’avoir une vision holistique globale de l’impact, actuelle et prospective.
Par exemple, l’étude s’est intéressée à une évaluation simplifiée de l’empreinte carbone du visionnage de vidéos en ligne en France, et même si l’on consomme environ deux fois moins de DVD en 2020 (365 millions d’heures, source Statista) par rapport à 2012 (847 millions d’heures, source Statista), l’augmentation du visionnage de vidéos en ligne (de 4 270 millions d’heures en 2012 à 17 937 millions d’heures en 2020, selon le Baromètre du numérique 2021 de l’ARCEP) fait exploser l’empreinte carbone globale du visionnage de vidéos, films ou programmes audiovisuel.
Conclusion
Il est nécessaire d’intégrer des enjeux de sobriété tout au long de la chaîne de valeur des services numériques, en s’interrogeant à la fois sur les usages mais aussi sur les manières dont sont conçus les services et sur la multiplication des équipements produits.
L’étude propose ainsi des recommandations à destination des utilisateurs et des fournisseurs de services numériques culturels comme :
Pour les utilisateurs :
- limiter le nombre d’équipements achetés pour un service et d’allonger au maximum leur durée de vie
- télécharger les contenus en amont durant les heures creuses,
- éviter l’usage de vidéo en ligne lorsque c’est possible, notamment lorsqu’on écoute de la musique ou encore en désactivant l’autoplay sur les réseaux sociaux ou les plateformes de streaming.
- adapter la résolution de la vidéo visionnée à l’équipement pour limiter le poids de la vidéo qui est visionnée.
- privilégier l’usage du wifi aux réseaux mobiles dont les infrastructures consomment plus d’électricité.
Pour les fournisseurs :
- évaluer l’impact environnemental de ses services numériques mis à disposition des utilisateurs.
- écoconcevoir ses services numériques et équipements utilisateurs
- héberger ses données ou ses applicatifs dans un data center performant
- étendre la durabilité des terminaux utilisateurs
- réduire l’impact du mode de distribution des biens
- améliorer l’efficacité énergétique des appareils
Pour aller plus loin :
Communiqué de presse de l’ADEME
Dans la presse:
La Croix: Livre ou liseuse ? CD ou streaming ? L’Ademe évalue l’impact de la culture numérisée
ActuPlanète: CD, livres numériques, streaming… quels sont les supports qui polluent le plus ?
BFM TV: Cloud Gaming, Jouer sans disque et sans console est-il plus écologique?
Mac4Ever: Films, musique, jeux vidéos, livres : êtes-vous plutôt physique ou numérique ?
Actualitté: Lecture : livre papier ou liseuse et ebook, qui est le plus écologique ?
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